Sophie Rohonyi (DéFI):
Monsieur le Ministre, le 10 septembre dernier, j’ai eu l’occasion de visiter la prison de Leuze-en-Hainaut.
Après m’être entretenue avec la direction et le personnel, il s’est avéré que le non-remplissage des cadres du personnel posait certains problèmes, notamment pour ce qui concerne la vaccination des détenus.
En effet, sur les 203 équivalents temps plein prévus, seuls 186 postes sont actuellement occupés. Sur ces 186 postes, 37 membres du personnel sont absents de manière continue pour différentes raisons (arrêt maladie, burn-out, stress, accidents de travail…). Seulement 73% du cadre est donc effectivement rempli.
Le personnel médical de la prison m’a affirmé, à cet égard, que la vaccination des détenus pâtissait de ce manque de personnel qui concerne les agents pénitentiaires mais aussi les médecins. Il n’y a en effet, par exemple, pas assez d’agents pour emmener les détenus se faire vacciner, ce qui a pour effet d’allonger parfois de manière considérable les délais dans lesquels les détenus doivent être vaccinés.
Pourriez-vous me faire un état des lieux des différentes initiatives en cours ou qui vont être prises pour remplir les cadres du personnel de la prison de Leuze-en-Hainaut?
Comment le SPF répond-il aujourd’hui à la problématique générale du personnel absent de manière continue?
Quelles mesures envisagez-vous prendre pour pallier ou remédier à l’absence des 37 ETP à la prison de Leuze?
Quel est le pourcentage de détenus aujourd’hui vaccinés et à vacciner dans l’ensemble de nos prisons?
Quel est le nombre de détenus ayant manifesté un intérêt d’être vacciné ou ayant déjà reçu une dose de vaccin et qui attendent malgré tout encore d’être vaccinés?
Le personnel médical de la prison m’a également fait savoir qu’il avait de grosses difficultés à faire appel à des médecins généralistes et spécialistes externes, eu égard aux conditions de travail et de rémunération peu attractives à la prison de Leuze. Cela empêche d’effectuer un suivi médical adéquat des détenus. Par exemple, le dentiste ne vient qu’environ une fois toutes les 3 semaines.
Pourriez-vous me faire savoir si cette situation se rencontre dans d’autres prisons?
Quelles mesures sur le court et moyen terme sont envisagées pour remédier à cette problématique?
Existe-t-il par exemple des listes officielles d’experts auxquels les services médicaux des prisons peuvent faire appel?
Vincent Van Quickenborne, ministre de la Justice:
En ce qui concerne votre première question, chère collègue, la situation à Leuze est, en effet, problématique en termes de cadres de personnel. Là où la moyenne nationale était de 95,4 % au 18 septembre, Leuze se situait à environ 92 %, ce qui se traduit par les chiffres qui vous ont été donnés, à savoir 185,9 équivalents temps plein au lieu des 203 prévus. La situation devrait, toutefois, aller en s'améliorant tant pour Leuze que pour les autres prisons; En effet, depuis lors, la proposition de recruter 100 contrats temporaires pour les prisons francophones,- dont 10 sont prévus à Leuze - a reçu l'accord de l'Inspection des Finances. À ces 10 agents devraient encore s'ajouter d'autres renforts via l'exécution des mutations.
Quant à l'approche de l'absentéisme, une enquête a été menée auprès des directions, une approche uniforme de l'absentéisme basée sur des contrats avec l'agent absent sera mise en place. Cette démarche s'inscrit dans une approche générale de l'absentéisme et s'appuie sur diverses initiatives locales qui existaient déjà par le passé.
En ce qui concerne votre deuxième question, il n'est pas possible de donner un pourcentage de détenus vaccinés ou non vaccinés ce, pour trois raisons principales: La première est liée au flux de détenus, puisqu'en maison d'arrêt, par exemple, des détenus sortent parfois rapidement sans avoir eu le temps de bénéficier de leurs deux vaccins. La deuxième est liée au fait que des détenus ayant reçu la première dose ont parfois refusé de bénéficier de la seconde.
Pour vous donner une idée de l'incidence de ces deux facteurs, lors de la deuxième campagne de vaccination, 741 détenus ayant reçu une première dose n'étaient plus présents ou ont refusé la deuxième dose. La troisième raison est liée au fait que la campagne de vaccination dans la société libre a, désormais, démarré depuis près de dix mois et de plus en plus de détenus qui arrivent en prison sont déjà vaccinés. Je peux, toutefois, vous donner le nom des vaccins administrés. Ainsi, au cours de la première campagne de vaccination, entre le 31 mai et le 20 juillet, 7 472 détenus ont reçu une première dose et 6 731 détenus ont reçu une deuxième dose. Depuis le début de la deuxième campagne de vaccination en août, 539 détenus ont déjà été vaccinés (première et deuxième dose).
À propos de votre troisième question, je pense que le point de vue avancé par le service médical est un peu trop simpliste. Je ne peux nier que, dans certains établissements, il n'est pas facile de trouver du personnel et Leuze ne fait pas exception. Cependant, il n'y a pas de problème de paiement ou d'arriérés à déplorer. Une indexation très attendue et importante a été réalisée juste avant le congé pour les services débutant en juin 2021. Je ne peux pas nier que le manque de personnel pénitentiaire affecte aussi les services médicaux. Le personnel médical doit attendre trop longtemps les détenus et perd ainsi du temps.
Pour les dentistes, le problème est encore plus aigu: ils perdent vraiment beaucoup de temps entre les patients. Ils essaient de compenser, mais si le manque de patients est très important, leurs prestations sont impactées. Je suis la problématique avec la plus grande attention et j'apporte mon soutien à tous les niveaux possibles. Ainsi le remplacement du programme informatique Epicure par un programme moderne est dans sa dernière ligne droite puisque le cahier des charges le concernant a été publié il y a trois semaines.
Sophie Rohonyi (DéFI):
Monsieur le ministre, je trouve votre réponse en demi-teinte.
Tout d'abord, pour ce qui concerne la vaccination, j'entends notamment qu'un certain nombre de détenus auraient refusé la seconde dose, et cela me pose question.
J'interpellerai le ministre de la Santé à ce sujet. Cela montre que des personnes, tout comme à l'extérieur de la prison, font les démarches pour se faire vacciner pour la première dose et se rétractent ensuite. J'aimerais comprendre pourquoi, car cela nous met à mal pour notre sortie de crise.
Pour ce qui concerne les médecins et les dentistes, vous dites qu'il n'y a pas de problème d'arriérés. Je vérifierai mes informations et j'invite vos services à en faire de même. En tout cas, il n'y a pas de manque de patients, au contraire. Il y a une demande de la part des détenus de recevoir une bonne hygiène dentaire, de faire vérifier leurs dents et de bénéficier d'un check up médical. Cela devient fort compliqué.
S'agissant de la pénurie de personnel, j'entends que vous êtes conscient du réel problème qui nuit à la sécurité des agents qui sont trop peu nombreux pour encadrer les détenus, mais aussi pour prendre leurs congés et pouvoir se reposer. À défaut, ils sont parfois exposés à des situations à risques.
Fin août, il y a eu un grave cas d'agression à l'encontre d'un des agents. En outre, cette situation nuit à la bonne santé et à la bonne réinsertion des détenus parce qu'ils ont besoin d'agents pour les accompagner aux visites médicales, mais aussi jusqu'aux ateliers de formation ainsi qu'à leur salle de sport.
La situation à Leuze est révélatrice d'une situation beaucoup plus globale qui appelle un plan global comme celui que vous allez mettre en œuvre, ce dont je tiens à vous remercier, tout en sachant qu'à travers ce plan, il faudra avoir cœur de travailler sur tous les volets de la chaîne en amont en matière de recrutement et de paiement de la rémunération des agents et des médecins. Une concertation devra être organisée avec le Medex. Il faudrait aussi – cela serait intéressant pour revaloriser la profession d'agent – classer les détenus en fonction de leur dangerosité.
En effet, aujourd'hui, de jeunes agents pénitentiaires motivés se retrouvent nez à nez avec de grands criminels alors qu'ils ne sont pas encore prêts pour les encadrer. On en arrive ainsi parfois à des cas d'agression ou à des situations extrêmement difficiles qui les poussent à abandonner leur profession ou à prendre des congés de maladie qui s'éternisent. Ce faisant, on se retrouve dans une situation où le manque de personnel est encore plus flagrant qu'il ne l'est en théorie.
Monsieur le ministre, nous veillerons à ce que votre plan soit suivi d'effets.